- Donne-moi de quoi écrire,
Ahmed, s’il te plaît !
- Tiens, voilà une feuille et
un stylo
La feuille dont parle Ahmed n’est pas, bien
sûr, une feuille d’arbre, mais une feuille de papier sur laquelle on peut
écrire. Pourquoi le mot feuille désigne-t-il des réalités aussi
distinctes ? C’est parce qu’à cause d’une certaine propriété commune, on a
transformé sur un nouvel objet un mot qui en désignait un autre :
feuille ( d’arbre ) Þ [
minceur ] Þ
feuille ( de papier )
Mais lorsqu’on emploie ce terme à propos du
papier, on ne songe plus du tout à cette analogie. De même on «oublie» que le
cœur est l’organe de la vie pour ne retenir que le sens de « ensemble des
sentiments qu’éprouve une personne ».
On appelle sens figuré le sens qu’un mot
peut prendre, en plus de son sens propre.
Ex. avoir une maladie de cœur
Ici le mot cœur désigne l’organe de la vie.
Il est utilisé au sens propre.
Ex. avoir bon cœur .
Cette expression signifie être généreux; le
mot cœur est utilisé au sens figuré.
Comment expliquer qu’un même mot ait un sens
propre et un ou des sens figuré(s) ?
L’existence des sens figurés dans une langue
répond à deux exigences fonda- mentales :
1- Une nécessité d’économie : si
chaque mot ne possédait qu’un seul sens, les mots d’une langue seraient
innombrables.
2- Le besoin qu’a notre esprit
de recourir au concret quand il veut se représenter des abstractions, se
les figurer. Ainsi, on dira d’un homme droit qu’il s’attache à la
vérité, qu’un écrivain manque d’inspiration, etc.
/I/ Les changements de sens
Le sens propre d’un mot est
aussi appelé : sens premier. C’est à partir de ce sens premier que
l’emploi s’est étendu à d’autres domaines et que le mot a pris un ou des sens
figuré(s).
Parfois, le sens premier du mot a été oublié; seul
le sens figuré est resté dans l’usage.
Ex. le mot «tête» vient du
latin testa qui signifiait «pot de terre»
!
L’emploi du mot au sens figuré est dû à la
ressemblance de forme qui existe entre un pot de terre et...une tête ! Mais
cette association a été rapidement oubliée et le mot n’est passé dans la langue
que dans son sens figuré.
Dans la plupart des cas, sens propre et sens
figuré coexistent, chacun s’appliquant à un domaine particulier.
Ex. le gel : phénomène
météorologique;
le gel des armements : l’arrêt de la course aux
armements.
Généralement, nous n’avons plus conscience du
passage du sens propre au(x) sens figuré(s); nous employons le mot tantôt au
sens propre, tantôt au sens figuré, selon le contexte, comme s’il s’agissait de
deux sens tout à fait différents.
Ex. cette viande est tendre
; cette maman est très tendre avec ses enfants.
L’existence d’un sens propre et d’un sens figuré
est un cas particulier de la polysémie d’un mot.
/II/ Le passage du sens propre
au sens figuré
Les cas les plus fréquents de passage du sens
propre au sens figuré sont:
a. le
passage de la réalité concrète à la notion abstraite.
Ex. endosser un manteau = le mettre à son dos, le
porte
endosser la responsabilité = la
prendre à son compte, l’assumer.
b. le
transfert par analogie ou ressemblance.
Ex. les dents a) sens premier :
celles de la mâchoire;
b) sens figuré : celles du peigne, du râteau,
etc.
c. le
transfert par analogie entre deux sensations.
Ex. Un spectacle savoureux, un
ton sec.
A l’origine de ces emplois figurés, il y a le plus
souvent une métaphore, c’est-à-dire une image qui associe deux réalités
entre elles en les comparant de façon sous-entendue.
Dans la plupart des cas, le sens figuré est une
métaphore passée dans l’usage et qui n’est plus perçue comme une création
originale.
Pourtant, le sens figuré peut parfois être «rajeuni»
:
- Il est des parfums frais comme des
chairs d’enfants,
- Doux comme les hautbois, verts comme les
prairies[...] (Baudelaire)
Ces vers suggèrent des « correspondances » entre les différentes sensations et donnent aux adjectifs que
nous avons mis en italique une grande richesse sémantique (c’est-à-dire
une grande richesse de signification).
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